Le livre de Kells

waouhhhhhhhh !! que boulot, magnifique !!

Ils en avaient de la patience et du talent pour réaliser ces enluminures !!!
Merci Danièle.

Et ils avaient aussi une bonne vue, je suppose. Dans le film d'animation Brendan et le secret de Kells, il est question d'un cristal pour voir les détails- et je ne m'explique pas autrement la complexité des dessins, que les enlumineurs utilisaient des verres grossissants...

En visitant le forum Académia-Celtica de Marc'hed an Avel (JC Even), j'ai trouvé ce lien:

Une petite vidéo du livre de Kells

http://www.bookofkells.com/

On peut aussi voir quelques pages.

Il y a un DVD sur ce livre, en fait.

Petit problème de lien;

http://www.bookofkells.com/

Voici maintenant la première page de l'évangile de saint Luc. Elle contient le seul mot "QUONIAM" = "Puisque", et je vous encourage à y rechercher ci-dessous les lettres de ce mot.



Avez-vous trouvé? Le "Q" est le grand rectangle ornementé en haut à gauche. Dans le losange central, on peut voir (mais les spécialistes ne sont pas tous d'accord) un "V" qui est le "U", et le "O" figurerait juste en dessous sous la forme de l'oméga grec.
Quant aux lettres "NIAM", on les trouve dans le coin inférieur droit. Vous pouvez voir ci-dessous le dessin de ce "NIAM" (dû à George Bain, livre "Celtic art"), qui montre les vingt personnages entremêlés aux lettres.




Comme pour les autres pages enluminées, l'oeil peine à détailler la complexité de l'ornementation! Un détail encore: en haut de la page, on peut voir la tête d'un animal (un fauve?), et ses pieds sont visibles dans le bas!

Moi, je m'y perds.
Merci Danièle pour toutes les explications.

Voici la première page de l'évangile selon saint Jean. Si votre oeil est maintenant entraîné, vous allez reconnaître les mots "IN PRINCIPIO ERAT VERBUM ET VERBUM" = "Au commencement était le Verbe et le Verbe" (suite "était Dieu"- la phrase est ici en suspens).



Le INP enluminé occupe la majeure partie de la page. Cela rappelle le IN de la première page de l'évangile selon Marc tout en étant différent. Au sommet, le personnage qui apparaît à deux reprises semble bien être l'évangéliste, représenté les deux fois tenant le livre de son évangile. Une tête de monstre lui fait face en haut à droite. vous remarquerez les étourdissantes compositions circulaires aux quatre coins du N.
Sur un bandeau coupé en deux et situé environ aux deux tiers de la page, on trouve les lettres RIN et C. Voici un dessin qui représente le RIN et son ornementation:



Les lettres sont des chiens stylisés qui se mordent l'un l'autre, le tout entrelacé d'un arbre de vie, dont on voit les feuilles disposées par trois- en trèfle.
Une fois de plus, laissez votre oeil se perdre...

C'est vrai, je l'ai encore perdu...mon oeil
Merci beaucoup Danièle.

Je vois plutôt des serpents ou des spermatozoïdes que des chiens mais disons que mes yeux se sont aussi perdus ...

C'est dû à la déformation que l'artiste fait subir à ses modèles. Au début, je croyais aussi que c'était des serpents, mais comme ils ont de longues pattes, j'en déduis que ce sont des chiens- et les serpents ne sont représentés de cette façon. On arrive ici à une extrême liberté dans la réprésentation de la réalité!

J'approche de la fin de mon propos sur quelques pages du Livre de Kells. Je vous ai montré jusqu'ici des pages sur lesquels j'avais des dessins par ailleurs dans des livres. Mais il y a encore quelques autres pages que j'aimerais vous montrer. En voici deux aujourd'hui, qui ont un aspect plutôt "géométrique".

Voici la page des croix aux huit cercles:



Bien que dans d'autres livres, comme le Livre de Lindisfarne, on puisse trouver semblable page composée de croix décorées, aucune ne peut rivaliser avec cette page du Livre de Kells pour la complexité et la délicatesse de l'exécution. Certains auteurs pensent que chacun des quatre évangiles était précédé d'une semblable page. Les huit médaillons circulaires rappellent des ouvrages celtiques de l'art du métal.

Et voici la page de la crucifixion, de l'évangile de Matthieu:



Vous pouvez y reconnaître le texte suivant: "TUNC CRUCIFIXERANT XRI CUM EO DUOS LATRONES" = "Alors ils crucifièrent avec lui, le Christ, deux voleurs". Le T initial représente un quadrupède (chien ou fauve?) rejetant des serpents hors de sa gueule. La page possède une certaine austérité, avec le grand X qui en occupe la moitié inférieure, évoquant à la fois une croix de Saint André et le X du monogramme du Christ...

Pour les "huit cercles", je remarque que chaque cercle comporte un symbole différent, as-tu une explication de cette symbolique ou est-ce un hasard ou un choix délibéré du dessinateur ?

Je n'ai aucune explication pour cette variété des motifs des huit cercles.

Ces pages sont beaucoup plus géométriques et vraiment différentes des autres.
Merci Danièle de nous montrer tout celà.

Je n'en ai pas encore tout à fait terminé avec le Livre de Kells, j'ai encore quelques petites choses à vous faire voir...
D'un style encore différent, voici deux pages avec des personnages, dont l'exécution paraît presque maladroite.

D'abord une Vierge à l'Enfant, très hiératique, un peu raide, reflet sans doute d'une influence artistique byzantine:



Petite remarque: la Vierge a deux pieds droits, et l'Enfant deux gauches...

Ensuite, la scène de l'Arrestation du Christ, une des très rares représentation d'un évènement, et non une décoration abstraite ou symbolique, ou un portrait stylisé comme ceux des évangélistes.
Le style semble naïf, avec ce parti-pris de réprésenter le Christ plus grand que ceux qui l'arrêtent, ce qui fait qu'il semble projeté hors de l'image.
Deux sbires barbus et roux s'emparent des bras du Christ. Dans la décoration, on trouve des plantes rampantes et des trèfles évoquant le jardin de Gethsémani, tandis que le texte au-dessus dit simplement: 'Les hymnes chantés, ils allèrent au mont des Oliviers'.

Je voudrais terminer avec le Livre de Kells en montrant deux pages de texte, la première venant de l'Evangile de saint Matthieu:



Elle montre les nombreux petits dessins réalisés au fur et à mesure de l'écriture du texte; initiales enluminées, oiseau allongé pour remplir l'espace entre le texte et la marge, et autres détails. Ils contribuent largement à faire du Livre de Kells une vraie mine d'inspiration pour les amateurs de dessins celtiques!

Voici maintenant une page de l'Evangile de saint Marc: la deuxième ligne montre la déformation que le calligraphe faisait subir aux lettres pour en faire un motif décoratif!




Pour finir, voici des travaux d'enluminure reproduisant quelques-uns de ces "détails" puisés au fil des pages du livre:







Ils font comprendre l'intérêt et la richesse de ce livre-patrimoine, parvenu jusqu'à nous presque intact malgré les mésaventures qu'il a subies...

Où se trouve la limite entre l'enluminure telle qu'ici dans ce livre exceptionnel et l'entrelacs de type celtique que nous connaissons. Les moines se sont inspirés de l'"entrelac" Celtique mais jusqu'où l'ont-ils exploité , voir amélioré ?

c'est vraiment un trésor cet incunable

Citation :

un trésor cet incunable

In cu quoi ?

Citation :

n cu quoi ?

Ah ben,bravo
Même moi(et pourtant )je n'aurais pas osé la faire
Le rouge devrait vous monter au front,messire Budoc
Ou devrais-je parler du Blanc?Parce que depuis qu'il y a deux bigoudens sur le forum(Dieu reconnaîtra les siens )j'ai l'impression d'une certaine dérive face aux jeunes âmes qui s'inscrivent Tiens,d'ailleurs,on l'entend plus beaucoup le Renard:il s'est fait piégé ?Quant à l'administrateur du forum,qui est passé par là ,je ne doute pas qu'il soit dans le même état

Petite rectification, Janna: le Livre de Kells n'est pas un incunable, car on appelle ainsi les premiers livres imprimés (avant 1500); c'est un livre manuscrit.
Quant à la question de Budoc:
- L'enluminure celte est fondée sur l'écriture irlandaise (gaélique), ornée d'entrelacs, spirales, bêtes fabuleuses entremêlés en motifs stylisés, têtes d'animaux gueule grande ouverte... Une des caractéristiques de ce style est que les initiales baignent dans un halo rosâtre fait de pointillés rouges (peints au minium, ces pointillés ont donné le mot "miniature"). Ces bordures de pointillés adoucissent les contours des lettres et crèent un ombrage qui donne un effet de relief.
- L'enluminure romane devint ensuite dominante en Europe sous l'impulsion d'une Eglise riche et puissante qui fondait de nouveaux monastères, autant de centres de création d'enluminures. C'est l'époque de la Renaissance carolingienne. L'enluminure est dite de style anglo-saxon ou encore othonien. (Peut-être notre Enlumineur pourrait-il expliquer cela mieux que moi)
L'écriture gaélique est abandonnée, la décoration change, mais les entrelacs sont encore utilisés. On peut dire que ce nouveau style est moins exubérant, plus mesuré, plus ordonné, que le style celtique: quand il y a des animaux, ils sont moins contorsionnés; de même, les lettres sont souvent verticales et bien droites. L'enluminure romane mêle des styles différents, fait se côtoyer entrelacs celtes et feuilles d'acanthe par exemple...

c'est un livre manuscrit

va faire quelque chose avec ça budoc

merci Daniele de toutes ces precisions

Merci Danièle, ces précisions étaient nécessaires au profane que je suis.

http://www.cavi.univ-paris3.fr/phalese/desslate/dico0589.htm

Citation :

Tiens,d'ailleurs,on l'entend plus beaucoup le Renard:il s'est fait piégé

Nenni ! Faudrait se lever de bonne heure pour ça !

C'est vraiment très interressant, merci danièle.