C'est le moment de se mettre au coin du feu pour la suite de l'histoire:
Les quatre jeunes gens partirent donc pour Kerjean, et décidèrent en cours de route de s'y présenter séparément.
Quelques jours après, le premier, Bombelles, fit parvenir au Louvre un ruban bleu, celui dont la Dame de Kerjean (elle avait nom Françoise de Quellen) se nouait les cheveux. La semaine suivante, Saint-Phar envoyait une épingle d'or, celle dont la Dame se servait pour attacher sa guimpe. Huit jours plus tard, Bruc, le troisième, envoyait une boucle de cheveux! Et à la fin du mois, Belz envoyait l'alliance de la jeune femme...
René Barbier avait accueilli les trois premiers envois sans sourciller, mais à la vue de l'alliance, il trembla, craignant que son épouse ne soit morte! Et tout le monde commençait à se demander ce qu'étaient devenus les quatre soupirants, qui ne revenaient pas. Le sieur Barbier obtint la permission de quitter la cour, désireux qu'il était de retourner chez lui pour connaître le fin mot.
Dans la grande salle du château, Françoise l'attendait en bonne épouse, tournant son rouet et disant son chapelet. Toute joyeuse, elle s'élança vers son mari, mais celui-ci voulut d'abord des explications au sujet des quatre dons qu'elle avait faits à ses visiteurs. Et voici ce qu'elle dit:
- J'ai reçu ces trois messieurs, que vous me recommandiez dans une lettre. Vous m'y disiez de leur accorder tout ce que l'honnêteté permettait de ne pas leur refuser. Pour ne pas vous désobliger, je leur ai donc donné tout ce que je croyais possible dans la limite des concessions permises. Après avoir obtenu chacun ce qu'ils me demandaient, ils ont voulu aussi avoir un entretien particulier. Je leur ai donc remis la clef d'une chambre voûtée, avec une fenêtre fortement grillagée, et dans laquelle on ne pénètre que par une lourde porte. Ils y sont encore enfermés, et pour rattraper le temps qu'ils m'ont fait perdre, je les emploie à filer de l'étoupe!
Dame Françoise conduisit donc son époux jusqu'à cette chambre voûtée, où les quatre gentilshommes l'accueillirent comme leur sauveur. Ils reconnurent bien volontiers qu'il avait gagné son pari.
Cette aventure valut à François Barbier de devenir gentilhomme de la cour et d'être fait marquis.
Mais on dit que leurs descendants gaspillèrent leur fortune et ne furent pas à la hauteur de l'honneur de leurs ancêtres...
Alors, que dites-vous de cette histoire?